28 février 2010

Autour d’une date de calendrier (2)


Je ne sais pas si c'est le lait de soya, mais Fillotte est officiellement une Miss Super Méninges.

Sa première note à la naissance, son APGAR, était de 8-9-10.
Il démontrait surtout qu'elle avait eu du fil à retordre dans mes entrailles (et réciproquement !).

Sa deuxième note s'exprime en nombre de mois : pour "réussir" l'évaluation du fonctionnement intellectuel en vue d'une dérogation, l'enfant doit obtenir des résultats aussi bons que les enfants de 6 mois de plus que lui. Ce que Fillotte a fait les doigts dans le nez. Imaginez ce qu'auraient été sa note si je lui avais donné du lait maternisé avec oméga 3-6-9-12 !

La psychologue a même prolongé le test voyant qu'elle avait une bonne capacité de concentration. Après une heure, Fillotte est venue nous rejoindre dans la salle d'attente, les yeux brillants : "J'ai très bien fait ça !".

[Sur la fierté]
Après avoir reçu les résultats, j'ai eu besoin de prendre le temps de rédiger ce billet. Parce que tout à coup je me suis surprise à être très fière. Naissait en moi un nouveau sentiment de mère envers sa fille : de l'admiration teintée de respect.
Mais la fierté m'a toujours agacée. Elle me fait penser à un dindon arrogant qui, bombant le torse, veut montrer qu'il est le meilleur.
Fierté, champion, la seule en Amérique, la première au monde à...
Tout ça m'a toujours tapé sur les nerfs. Un peu comme les Jeux Olympiques. Si on prône une société égalitaire, pourquoi avoir besoin d'un podium ? Fierté bien placée commence par soi-même... le slogan d'une civilisation évoluée ?

Alors, être fière sans se croire supérieure, est-ce possible ? J'ai plutôt envie de faire place à ce sentiment admiratif afin que Fillotte sente que nous sommes avec elle, derrière elle, solides et aidants.

Comme elle ne connaît pas le but ultime de ces tests, nous l'avons félicité pour avoir participé et bien travaillé. Nous n'avons pas souligné qu'elle était plus intelligente (que qui ? la moyenne ? ou notre moyenne occidentale ?).
Les tests sont nécessaires pour la bureaucratie, mais l'objectif n'est pas de savoir si elle est au-dessus de la mêlée, mais de lui offrir le niveau de stimulation qui correspond à ses besoins.

Ce résultat nous confirme de continuer ce que nous avons commencé : éveiller, laisser s'exprimer, écouter, échanger, guider. Dans l'ordre ou le désordre.

Prochain étape : le test de langage et de psycho-motricité.

18 février 2010

Aïlleule respectable


Elle est blottie au creux de mon coffre à bijoux, arborant son teint de pêche d'antan.

C'était il y a bien longtemps, comme en témoigne la coiffure et les couleurs ajoutées à la main.

Ma marraine aura 90 ans aujourd'hui.

Elle qui n'a plus toute sa mémoire a pourtant beaucoup marqué la mienne.

Les étés au chalet des mes grands-parents, à pêcher des crapets soleil, à se rendre le plus loin possible sur le lac avec une trip ou à ramer en bateau pour aller jusqu'à l'Île.

L'agneau avec la gelée à la menthe qu'elle nous servait aux soupers de famille. Les chocolats cachés dans le buffet à porte coulissantes. La serviette qu'elle mettait sur le coussin pour ne pas que je bave dessus quand je m'endormais au salon à la fin de la soirée. Ses lettres, que j'ai gardé précieusement.
Mon grand-père ayant un coeur fragile que le froid du Québec aurait pu achever, ils partaient tous les hivers en Floride et revenaient à Pâques. Curieusement, cette distance nous a permis d'entretenir un lien qui n'aurait pas pu naître autrement et nous nous écrivions régulièrement.

Dans ses lettres, elle trouvait toujours les mots pour me complimenter et me féliciter.
Elle m'encourageait dans tout ce que j'entreprenais et insistait sur l'importance des études, elle qui n'en a jamais fait. Sa présence constante au fil des années pas toujours facile de l'adolescence a fait la différence.

Aujourd'hui, j'ai le coeur gonflé de peine parce que malgré qu'elle n'habite pas très loin, nous ne la voyons plus souvent. La maladie complique ses vieux jours, elle n'est plus très en forme et nos rythmes de vie de jeunes parents travailleurs ne facilitent pas les élans spontanés.

J'aimerais lui faire une meilleure place dans nos vies, ouvrir une fenêtre de temps, regarder Fillotte jouer avec sa "Grand-maman Loulouloulou"...

17 février 2010

Se réchauffer

Ce matin j'ai mal à la tête et j'ai froid, malgré le temps doux et les quelques flocons qui tombent du ciel.

Dans mon vocabulaire professionnel, mon état se résume à un Vent-Froid. Pour le combattre, du Chaud. Logique et bien rationnel.

Du Chaud, il n'y en n'a pas que dans les calorifères, selon l'enseignement des Chinois. Il se trouve aussi dans ce que l'on mange et ce que l'on boit, sous toutes sortes de variantes.

Avec une copine, plus calée que moi dans les herbes et leurs propriétés, nous avons élaboré un Chai maison qui correspondait à nos besoins: réchauffer, mais aussi énergiser et nourrir le Sang.

Pour vous aider à passer au travers du petit restant d'hiver devant nous, voici donc cette fameuse recette :

Chai Du Chemin
125g de feuilles de framboisier
125g de feuilles d'ortie
125g de gingembre râpé, séché
70g de bâtons de cannelle concassés
50g de clous de girofle entiers
15g d'anis étoilé concassée
10g de cardamome
42g de feuilles de stévia (facultatif)

Pour concasser la cannelle et l'anis étoilé, je vous suggère la méthode suivante : mettez les épices dans un sac de plastique hermétique et recouvrez d'un linge. Déposez le tout sur une planche de bois. Si vous avez trop mal à la tête ou n'éprouvez pas de besoin particulier de vous défouler, appelez votre fiancé et proposez-lui de donner des coups de marteau sur le linge. Il arrête quand vos épices ont une grosseur raisonnable pour une tisane.
Vous mélangez ensuite tous les ingrédients et séparez dans des pots hermétiques.

L'infusion pour une portion :
Dans une casserole, vous faites chauffer 1 c. à soupe du mélange avec 1/2 tasse d'eau et 1/2 tasse du lait de votre choix : vache, amande, soya, riz... Dès le début de l'ébullition, éteindre le feu et laisser infuser 5 à 20 minutes, au goût. Pas trop longtemps si vous avez mis de la stévia. Personnellement, je n'en mets pas car je préfère sucrer au sirop d'érable. C'est plus calorifique, mais Ô combien meilleur.

Je vais en siroter une théière au complet aujourd'hui, c'est sûr !

10 février 2010

Sur la table de chevet, du sang

Ce n'est pas un billet macabre, non non, juste une chronique express de mes lectures actuelles. Idée inspirée par elle.

L'auteur : Gabriel Trujillo Munoz.
Son sujet:  un Mexique traité sans complaisance.
Ses livres : 4 romans policiers "3/4" chez Les Allusifs, traduit en français en 2009.

Ce médecin, sociologue malgré lui, a clairement saisi la complexité des cultures qui cohabitent à la zone frontalière nord et a réussi des petits bijoux de romans policiers. Je ne suis jamais allée plus au nord que Mexico, mais j'ai assez porté mon sac-à-dos dans ce pays pour apprécier l'honnêteté des excursions offertes par Trujillo Munoz.

J'en suis au quatrième, Mezquite Road. Après le premier, Tijuana City Blues, très court, j'ai eu envie de lire les autres et la bibliothèque municipale les a dénichés à ma demande. À lire dans l'ordre ou le désordre. D'ailleurs, Morgado, l'avocat des droits de l'homme qui mène les enquêtes "au privé" semble souffrir d'amnésie d'un épisode à l'autre quant à ses liaisons amoureuses et ses visites dans sa ville natale.

Ce que j'apprécie par dessus tout, moi qui lit des romans policiers depuis peu, c'est l'économie du texte.  Trop souvent, les auteurs de policiers compensent le défaut de l'intrigue et probablement aussi leur qualité discutable d'écrivain (ouch !), par moult détails inutiles. Ici, pas de dérape. Les récits sont courts, vont droit au but et dévoilent les dessous d'un Mexique bien loin des plages de Cancun et des ruines de Chinchen Itza.

Idéal pour les gens occupés qui aiment le suspense et qui ne veulent pas y sacrifier leur sommeil.

[Oui, j'ai tout lu Millénium et je ne les range pas dans la catégories des inutiles. Et j'aime beaucoup Fred Vargas, sauf quand elle essaie d'écrire en québécois.]

CHAMP SONORE : FILLOTTE QUI JOUE AVEC SES BARBIES

7 février 2010

Autour d’une date de calendrier (1)

La première question du médecin à la patiente enceinte concerne la dernière date des menstruations. Laquelle détermine la date prévue de l’accouchement, DPA dans le jargon.

Et que d’énarvouillage autour d’une date !

Mon médecin disait 21, moi 23. Nous n’avions pas la même roulette de calcul. Chacune fournie par une pharmaceutique différente.

Ensuite, dépassement de date. Du 21, du 22, du 23… L’attente crée une tension palpable, notre congé parental diminue à chaque jour. Et les autres aussi attendent et ont «hâte de lui voir la binette !». Puis, les fausses alertes. Dans les lieux publics, les yeux s’agrandissent à la vue de mon ventre et au resto, quand je réponds que la date prévue est la semaine passée le serveur pense fort «Mais c’est quoi l’idée ?». Les femmes enceintes passées terme devraient rester assises à côté de leur porte d’entrée, valise à la main, voyons !

J’aimais bien cette date. Toute ronde.

Pourtant... Elle était moins parfaite qu’elle n’y paraissait, cette date.

La première fois, c’était au cours de yoga avec bébé. Une des mamans me demande la date de mon accouchement :
– Le 1er octobre.
– Hon ! Pauv’ toi, juste après le 30 septembre !
– … ?
– Ben, c’est la date limite pour entrer à l’école !
Au mot «école» ma pensée est violemment projetée dans le futur. Je comprends alors que Fillotte est née le lendemain de la date limite pour accepter les enfants de 4 ans à la maternelle. Selon cette maman, j’en aurais encore pour un an ou pire, nous serions confrontés au dilemme de la demande de dérogation. Comme j’allais le constater au fil des rencontres avec d’autres mères, toutes avaient une opinion sur la chose et le sujet déclenchait à tout coup une discussion pour ou contre la dérogation.

Notre position était claire : chaque chose en son temps. Ce que bébé Fillotte nous rappelait très facilement, d’ailleurs.

Les copines étaient bien les seules à ne pas s’en être mêlées. L’année passée, lors d’un brunch de filles avec enfants, je leur ai demandé leur avis de mère/enseignante/ergothérapeute expérimentées. S'en est suivie une discussion ouverte. Un peu plus tard, alors que nos 9 petits étaient à table, Fillotte me demande du lait. Il lui manquait la formule de politesse, alors je lui dis :
– Du lait ... ?
– De soya ! (Chez nous, Fillotte a le choix entre du lait de vache ou du lait de soya...)
Ce fut l’hilarité générale. Et les copines, l’œil goguenard, de me donner du «Ouain ouain, elle est sûrement surdouée, ta fille !».

Voilà que nous sommes presque rendus dans le futur de l'école et j’ai envie de partager notre démarche et ce qu'elle nous apprendra. Je tiens à spécifier que malgré toute la fierté que nous inspire Fillotte, nous ne voulons pas participer à une course à la performance. Pas question de la pousser, de surcharger son horaire et de la rendre anxieuse. Nous allons tout simplement la suivre et s’assurer qu’elle recevra le niveau de stimulation dont elle a besoin.

Fillotte semble particulièrement allumée sur certains plans. Elle a un intérêt naturel pour le papier, les crayons, les livres, les lettres et … les animaux. Le premier mot qu’elle a prononcé fut chat, alors que je lui nommais ce dessin dans un livre à images. Cet été, elle traînait sa tablette et son crayon dans l’auto et me demandait comment écrire kangourou pendant le trajet à la garderie. Dernièrement, elle me faisait remarquer le lien phonétique entre maringouin et pingouin et qu’il y avait une hache dans vache.

Première étape de la démarche : rencontre parents-enfant avec la psychologue et test de Wechsler pour Fillotte. Si cette étape est concluante, on passe à la prochaine afin d'évaluer le langage, le psycho-moteur et le socio-affectif.

[Note: Il ne faut pas oublier non plus de procéder à l’inscription de l’enfant à l’école, comme j’ai failli l’omettre, n’étant pas au courant qu’il fallait le faire maintenant même si nous avons jusqu’en mai pour remettre notre demande de dérogation.]

Nous avons rendez-vous dans 2 jours chez la psychologue. Fillotte ne sait pas qu’on va «évaluer son fonctionnement intellectuel» en vue de savoir si oui ou non elle pourra entrer à l’école. Nous allons simplement voir une gentille demoiselle qui fera des jeux avec elle pour voir ce qu’elle est capable de faire et ce qu’elle a plus de difficulté à faire. C'est tout.

À suivre…

2 février 2010

Portland Oregon, c'est pas très loin



J’ai connu Loretta Lynn par hasard, au petit écran (nous sommes loin du plasma dans notre sous-sol du 450).

Le film de sa vie passait à la télé, il était déjà commencé, on n’avait rien à faire, Fillotte dormait. Après 5 minutes, on était accrochés.

Quelle vie ! Une guitare au lieu d’une bague, Patsy Cline, les jumelles, les claques au mari qui boit et qui en embrasse d’autres, les tournées en bus…

J’ai voulu écouter sa vraie voix le lendemain, mais je l’avais déjà entendu et même déjà aimé. Ce qui est un classique depuis que je suis avec mon Fiancé musicophile :

Moi : — C’est don’ bon ça, c’est qui ?
Fiancé : — Unetelle, j’ai fait jouer ça l’autre jour, tu as dit la même chose…
Moi : — Ah…

Et dans ma tête : Hiiiiiiiii ! Moi qui étais si calée dans la chose musicale avant. Dommages collatéraux de la maternité. Visiblement, ce n’est pas ce qui a empêché Loretta de faire carrière, elle qui a eu 5 enfants.

Comble du bonheur, j’apprends qu'elle a chanté avec Jack White. On raconte même que c’est lui qui l'a approché et lui a redonné le goût d'endisquer après 20 ans de silence. Cela valait bien un duo avec elle…

Portland Oregon commence avec un solo de guitare suraiguë qui déboule doucement. S’ajoute le drum et le tambourin avec la slide en sourdine. Coup de cymbale, on ralentit pour mieux préparer le terrain et puis arrive la grosse-guitare-qui-fait-du bien en préambule à la voix de Loretta. Jack enchaîne. Une rencontre dans un bar, une cuite au pichet de slow gin fizz, l’amour d’une nuit… on voudrait presque que cela soit vrai et, en country girl nouvellement convertie, on s’identifie un tout p'tit peu à Loretta...

À CHANTER EN CHAR SUR UNE ROUTE DE CAMPAGNE ENSOLEILLÉE.

1 février 2010

Braver le froid

Après un janvier tiède et gris, nous voilà dans le froid et le soleil. Vu de la fenêtre de la cuisine, cet horizon de fin d'après-midi accompagne la préparation du souper. Porteur de lumière pour le lendemain. Avec -20 degrés Celsius, faut-il préciser.

Cela n'a pas empêché le début des festivités de cette année spéciale où plusieurs de mes copains-pines, incluant moi-même, traverseront de l'autre côté de la moitié -estimée- de nos vies.

Vies organisées obligent, la première soirée était prévue depuis longtemps, et facilement avec ce merveilleux outil. Donc, filles sans enfants, au resto (en ville !), histoire de vraiment relaxer.
(A posteriori, je ne suis pas convaincue des vertus du congé de cuisine. C'est à l'encontre du dicton : Quand farine et citron collent aux doigts, le coeur s'épanche.)

L'apéro pris, nous avons remis nos tuques, foulards, mitaines, bottes d'hiver et manteaux à capuche de poil pour affronter, le temps d'une courte marche, le froid qui pique les cuisses et vide les trottoirs.

Au resto, l'air était déjà réchauffé par les fourneaux, les rires et le bon vin. Conditions idéales pour y décarcasser notre fille intérieure et laisser en plan la mère, la blonde, la travailleuse. Lousses. Quelques heures dans une petite fenêtre ouverte sur la complicité des vieilles copines. Avec elles, pas de chichis et plein de sous-entendus. On n'a pas à expliquer, elles savent déjà.

Précieux temps qui fait onde de choc. Dans les jours suivants, je suis mieux ancrée, plus solide et backée par une force commune. Conséquemment, je suis moins tendue vers la prochaine tâche à accomplir, moins prisonnière de l'horaire et de la routine-tine-quand-tu-nous-tiens.

Les filles, ça fait vraiment du bien !

Et j'ai oublié de vous dire combien vous êtes belles, encore plus qu'il y a 20 ans...

À L'ÉCOUTE : CHANGES DE DAVID BOWIE