Petit retour en arrière :
Je suis née à la campagne, mais comme mes deux parents travaillaient "en ville", nous avons vite été des premiers côlons de la banlieue sud de Montréal.
Toute mon adolescence, j'ai rêvé de la ville (et aussi de la France, mais ça, c'est un autre chapitre !).
Parce qu'en ville on pouvait :
- Aller voir des films dans des cinémas
- Magasiner des disques
- Prendre un café dans ... un café
- S'acheter des vêtements différents de ceux portés par toute la polyvalente
- Acheter des livres usagés pour pas chers
- Bien manger au resto
- Manger des vraies crèmes caramel et de vrais gâteaux au fromage
- Marcher et lire dans un joli parc
- Sortir et danser jusqu'aux petites heures du matin
et, accessoirement, voire une faune bien différente de celle de la banlieue.
J'étais donc bien contente d'habiter tout près du terminus d'autobus qui nous emmenait en 20 minutes au centre-ville.
Quand vint l'heure de choisir un cegep, j'ai bien entendu choisit un cegep en ville et je me suis arrangée pour aller habiter - en ville - chez ma grand-mère. De fil en aiguille, j'ai eu mon propre appartement avec une copine, etc.
Au moment de me lancer en affaires, le marché était plutôt saturé sur l'île de Montréal et j'ai décidé de travailler en banlieue. En plus d'avoir un horaire hors des heures de pointe, je circulais dans le sens inverse du flot des autos qui traversent le pont chaque jour pour aller travailler en ville.
Après 10 ans, un couple stable (avec un gars de la ville !) et un enfant, le prix des maisons était tel en ville que nous nous sommes retournés vers le marché de la rive-sud et y avons trouvé toiture à notre famille. Et plein d'autres avantages aussi : une grande cour, des gentils voisins et surtout, le calme de la presque prairie.
[Bon, ma ville de banlieue est quand même un peu spéciale. Elle a un quartier historique avec une vraie société d'histoire, un petit musée et une crypte sous l'église. Elle possède un marché extérieur trois saisons, une chocolaterie, une poissonnerie, un magasin de bonbons-comme-dans-l'ancien-temps situé juste en face d'une boutique de jouets et un vrai stand à patates frites fermé l'hiver. D'un côté, elle est longée par une rivière et de l'autre, par le fleuve. Le boulevard Taschereau la traverse, mais avec des trottoirs de chaque côté et des arbres au milieu !]
Plus de 20 ans ce sont écoulés depuis mes premières escapades en ville et on pourrait croire, parce qu'elle est de plus en plus étalée, peuplée et diversifiée, que la banlieue vaut bien la ville.
Eh bien non. Malgré le boulevard Taschereau (ou à cause de lui ?), malgré tout le fuzz et le buzz qu'on a créé autour du Dix30, l'air culturel est plutôt sec en banlieue.
Je me suis donc surprise à faire un petit examen des éléments de ma liste d'adolescente et voici ce que ça donne :
- Aller voir des films dans des cinémas :
Si vous avez envie d'une expérience son (très fort !) et lumière avec flot d'odeur de popcorn beurré dans des salles bondés d'adolescents qui parlent tout le long de la projection du dernier blockbuster, oui, on peut dire qu'on peut aller voir des films dans des cinémas. Sinon, on peut louer des films directement chez Q*uébecor (déguisé en V*idéotron). Ils ont quand même le film de Woody Allen. Quoi ? Il n'en a pas fait juste un ? (Je dois quand même ici être honnête et avouer qu'en ville les cinémas indépendants sont aussi tous morts. Le dernier qui restait s'est fait trancher la gorge l'année passée.)
- Magasiner des disques :
C'est possible, mais seulement dans des grandes chaînes (dont Q*uébecor déguisé en A*rchambault) ou pire, dans les grandes surfaces. Encore ici, c'est pas mieux en ville : disparus les Discus, Sam the Record Man et Dutchy's. C'est vrai, internet change la donne et permet à l'indépendant de se faire connaître, en ville ou ailleurs. Et sincèrement, je suis jalouse des ados d'aujourd'hui qui ont toute cette musique au bout des doigts !
- Prendre un café dans ... un café :
C'est possible, si on appelle un café le liquide brun qui est servi chez Timortonne et où, tous les matins, les VUS font la file au service à l'auto. Et non, y'a pas de macarons, que des beignes et des muffins bien gras.
- S'acheter des vêtements différents de ceux portés par toute la polyvalente :
Ah, là, y'a plus de choix. Toutes les boutiques de vêtements sont au Dix30 et celles qui n'y sont pas, sont soit au Mail Champlain, soit aux Promenades St-Bruno. Mais ça prend une auto pour s'y rendre, quand même ! Ou beaucoup de patience : temps de parcours ma maison-Dix30 en auto : 13 minutes. En autobus : 49 minutes. Données obtenues avec pas de neige.
- Acheter des livres usagés pour pas chers :
Il paraît qu'il existe une librairie de livres usagés dans la ville voisine de la mienne, soit à 20 minutes d'autoroute.
- Bien manger au resto :
Oui, il a plusieurs restos agréables. Particulièrement dans le quartier historique, qui en compte 4. Tous de la cuisine française d'excellente qualité. Nous avons aussi la meilleure pizza et le meilleur poulet rôti sur charbon de bois de la rive-sud (c'est pas moi qui le dit !). Sinon, les resto chinois, vietnamiens, indiens commencent à poindre le nez, mais ils sont toujours situés dans des centres d'achats du boulevard Taschereau. Bonjour la vue sur le stationnement et le traffic des lumières rouges !
- Manger des vraies crème caramel et de vrais gâteaux au fromage :
C'est possible dans les restos du quartier historique. On peut aussi trouver de bons fromages, de bons vins et des baguettes fraîches dans toutes les épiceries. Fiou !
- Marcher et lire dans un joli parc :
Ici, parc est synonyme d'aire de jeux pour enfants : balançoires, jeux d'eau, carré de sable, sertis d'un ou deux banc publics. Avec beaucoup de soleil, parce qu'on a oublié de planter des arbres. Résultats : ils sont fréquentés par les garderies du quartier les jours de semaine, des enfants le week-end et des ados à la recherche d'intimité/qui s'ennuient pendant les soirées. L'hiver, le plus grand parc de notre ville se dote d'une montagne de neige pour glisser et d'un anneau de glace pour patiner. Avec des "fêtes de l'hiver" tous les dimanches après-midi. L'intention est louable pour les familles, les jeux gonflables et le chocolat y sont gratuits, mais pourquoi nous imposer une musique assourdissante avec un animateur boboche à micro ?
- Sortir et danser jusqu'aux petites heures du matin :
IM-POS-SI-BLE. Ok, je nuance : si vous aimez le tchikaboum américain et seulement ça, il y a bien 2 ou 3 boîtes avec line-up, même. Mais si vous demandez le dernier hit de Radio Radio, de Madame Moustache, d'Arthur H ou de M au didgé, il vous regardera avec ses beaux yeux de merlan frit.
Voilà.
Je ne sais pas ce dont Fillotte rêvera dans 10 ans.
Mais nous serons toujours là pour ouvrir les rideaux de son horizon culturel, quitte à les déchirer s'il le faut !
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