Mai s'achève bientôt.
Pendant plusieurs années, ce mois fut synonyme de départ vers la campagne.
C'est plus difficile maintenant, mais ça me travaille à chaque printemps.
Il me faut du vert, du rond, de l'arbolescence... je ressens plus qu'à toute autre saison la rudesse du béton et l'âpreté de l'angle droit.
Je ne comprends toujours pas cette façon froide et carrée de concevoir les lieux de vie et les habitats. Telles que nos villes sont devenues. Telle que ma rue asphaltée l'est.
Mon âme a besoin des arrondis des feuilles, de leur bruissement et de l'ombre fraîche qu'elles offrent. Rares dans notre manière d'avoir organisé l'urbanité.
Peut-être cela me vient-il du 6,25% de sang d'améridien (une arrière-arrière-grand-mère) qui coule dans mes veines ? Là, dans mes gènes, se cachent la mémoire du tipi, la maison sans coins ?
Il y a quelques années, on m'a fait découvrir un artiste peintre architecte conscient de l'impact de la structure sur l'humain. Il en a même écrit un manifeste... en 1958 ! À cette époque, le Bauhaus rasait tout et Hundertwasser, écologiste avant l'heure, s'y est farouchement opposé. Voici deux de ses envolées au sujet de la ligne droite. Elles ont le mérite d'être claires.
« La ligne droite est un danger créé par l'homme. Il y a tant de lignes, des millions de lignes, mais une seule est mortelle, et c'est la ligne droite tracée avec la règle. Le danger qui émane de la ligne droite n'est pas comparable au danger qui émane des lignes organiques que font par exemple les serpents. La ligne droite est étrangère à la nature de l'homme, de la vie, de toute création. » *
« Nous vivons aujourd'hui dans le chaos des lignes droites, dans la jungle des lignes droites. Que celui qui ne veut pas le croire se donne la peine de compter les lignes droites qui l'entourent et il comprendra car il n'arrivera jamais au bout. (...) Cette jungle de lignes droites, qui nous enferment comme dans une prison, nous devons la supprimer. » **
Si vous connaissez Gaudi et aimez le Parc Guëll autant que les enfants d'Agathe, peut-être aurez-vous envie aussi, comme moi, d'aller faire un pèlerinage en Autriche, histoire de voir en vrai les réalisations de ce fou d'Hundertwasser. En tous cas, ses toilettes étaient bien sympathiques en Nouvelle-Zélande, pays vert de vert !
Pendant qu'à Montréal on tergiverse sur la réfection de l'échangeur Turcot (à éviter ce week-end, d'ailleurs !), je rêve d'une enclave gazonnée comme il en a imaginé. Ah mais je sais, les vendeurs de béton ne seraient pas contents...
* Hundertwasser par Harry Rand, p. 37 (images tirées du même livre).
** Extraits du Manifeste de la moisissure contre le rationnalisme en architecture, lu à l'Abbaye de Seckau en 1958.
Ohhh c'est génial cette route sous-terraine... Il faut que je montre ça à mon bétonneux de mari! et à JB aussi! et aux filles!
RépondreSupprimerJ'aime bien "la mémoire du tipi"... Tu sais donner du sens à tes préférences!
Si la vie était une ligne droite... ça se saurait et quel ennui ça serait !
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